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Extrait de l’hebdo n°3823
L’équipe CFDT d’Aldi dans le sud-ouest de la France se met en ordre de bataille pour ses prochaines élections CSE, en 2023. Le mandat qui se termine n’a pas été de tout repos, avec d’importants changements qui ont obligé l’équipe à repartir quasiment de zéro. Rencontre avec Anne-Sophie Pellan, la déléguée syndicale.

Entre Bordeaux et Arcachon, dans le département de la Gironde, se trouve Cestas, 17 000 habitants. Une commune qui dispose certes d’un magasin Aldi, mais surtout d’un entrepôt qui fournit 87 magasins du quart sud-ouest de la France1 et qui constitue le siège d’une des 13 centrales (aussi appelées « sociétés régionales ») de la chaîne allemande de hard discount. C’est donc à Cestas, dans le bureau du CSE accolé à l’entrepôt, que nous reçoit Anne-Sophie Pellan. Responsable du magasin de Bidos (Pyrénées-Atlantiques), Anne-Sophie travaille chez Aldi depuis dix ans, dont sept passés en tant que déléguée syndicale CFDT d’Aldi-Cestas. Ces dernières années ont été mouvementées, et la section syndicale a dû faire face à de nombreux défis.
À la fin 2020, Aldi finalise le rachat de magasins Leader Price. Dans le périmètre de la centrale de Cestas, ce sont ainsi 47 magasins qui passent sous le pavillon Aldi. « La moitié des magasins de la centrale sont donc des anciens Leader Price », souligne Anne-Sophie. En un claquement de doigt, la masse salariale double. Et, pour la syndicaliste, tout est à faire : chez Leader Price, point de CSE, de représentants du personnel ni de délégués syndicaux. Les magasins étaient de petites unités franchisées. « J’ai eu l’impression de repartir de zéro. Il m’a fallu un an pour nous faire connaître. Je n’ai pas encore eu le temps de me rendre dans tous les magasins – il m’en reste encore vingt-sept à visiter ! – ni d’aller à la rencontre de tous les nouveaux salariés. Je n’ai pourtant pas arrêté », affirme l’énergique déléguée syndicale, qui n’est pas détachée à plein temps et continue donc de travailler dans son magasin des Pyrénées-Atlantiques. « Les salariés des anciens Leader Price sont très demandeurs d’informations sur le code du travail, les règles concernant le temps de pause, les œuvres sociales et culturelles, ce qu’ils n’avaient pas avant. »
Une présence syndicale et des réponses
Quand elle se rend dans les magasins, Anne-Sophie va à la rencontre des salariés, donne un tract, engage la conversation, explique qui sont les élus et quel est leur rôle, laisse un numéro de téléphone. « Je ne veux pas qu’une personne reste sans réponse à ses questions. Trop de salariés sont en attente de réponses, surtout chez Leader Price, où ils ont été laissés à l’abandon pendant trop longtemps. Les salariés ont besoin d’être rassurés. » Une proximité et une écoute qui permettent aussi de faire des adhésions. « Les personnes veulent être protégées et ont confiance en la CFDT. L’adhésion se fait aussi grâce à la qualité des tracts, c’est important, tout comme la façon de parler au téléphone. » La reprise des magasins Leader Price a entraîné des conséquences sur le découpage des centrales. Celle de Cestas a ainsi perdu deux départements, la Charente-Maritime et la Creuse, ce qui a réduit l’équipe du CSE : « On a perdu sept élus à cause du redécoupage et trois autres ont quitté la centrale », affirme la déléguée syndicale, qui forme avec Valérie Dassé, Tony Bernard, le secrétaire du CSE, et Romain Goizin, le trésorier, une équipe soudée.
Alors que l’intégration des magasins Leader Price se faisait, la section a dû aussi gérer les conséquences de la pandémie de Covid-19. « Il y avait beaucoup de peur de la part des salariés. On est allé voir la direction pour avoir du Plexiglas, du gel, des masques. Ce que l’on a eu assez rapidement, se souvient Anne-Sophie Pellan. Personne ne connaissait cette maladie. Certains magasins voulaient exercer leur droit de retrait. Tony est allé les voir pour les rassurer, et ça s’est bien passé. Et puis il y avait les achats compulsifs des clients. Dans mon magasin, il a fallu gérer la foule. C’était une période compliquée. Avec la direction, on a fait beaucoup de visio, une par semaine, pour faire le point sur les magasins. Une gestion de crise s’est installée, et a très bien fonctionné. » Globalement, le dialogue social dans la centrale fonctionne plutôt bien, affirme la DS. « On n’est pas pour autant des béni-oui-oui. Nous nous sommes opposés à une réorganisation de l’entrepôt qui aurait permis à la direction de payer une heure de nuit et qui aurait fait perdre 60 euros aux salariés concernés. »
80 euros nets par mois et une indemnité kilométrique revue à la hausse
Côté NAO, les résultats des dernières négociations à Cestas ont été satisfaisants : 2,2 % d’augmentation pour tous et 2 % d’augmentation pour chaque palier d’ancienneté. Pour un agent de maîtrise, par exemple, cela représente une augmentation de 80 euros nets par mois. L’équipe a aussi obtenu la création d’une prime logistique pour les salariés de l’entrepôt de 50 centimes bruts par heure travaillée si les objectifs sont atteints, ce qui peut représenter jusqu’à 60 euros nets par mois. L’indemnité kilométrique a aussi été revue, passant de 36 centimes du kilomètre à 47 centimes. « Ce sont les meilleures NAO de ma carrière de déléguée », se félicite Anne-Sophie. Une façon pour la direction de redonner un peu d’attractivité, alors que la centrale peine à recruter. « Avec le rachat de Leader Price, ils voulaient peut-être marquer le coup et montrer que le rachat n’empêche pas d’augmenter les salariés. »
82 % des suffrages et quatorze sièges
Les dernières élections professionnelles, elles, datent de 2019. À l’époque, Anne-Sophie et son équipe raflent la mise, avec 82 % des suffrages, et obtiennent quatorze sièges. Les salariés seront de nouveau appelés aux urnes (électroniques) en juin 2023. Anne-Sophie et son équipe présenteront le bilan de leur action durant ces quatre dernières années, avec un élément récent, qui doit être lancé au cours de ce mois, et qui améliorera la proximité avec les salariés : un site internet pour le CSE. « Il permettra d’informer [les salariés], avec les PV des réunions, les œuvres sociales et culturelles. C’est un site que les élus ont construit. Il sera super attractif, intuitif et adapté aux smartphones », promet l’élue, enthousiaste. Elle compte boucler ses listes en décembre, et lancer véritablement sa campagne ensuite, même si, rappelle-t-elle, « je suis en campagne tous les jours ». L’objectif est simple : faire encore mieux qu’en 2019.