Victoire contre les Violences sexuelles des salariées de Jardiland à Gap abonné

iconeExtrait du magazine n°468

Quatre femmes en butte à des violences sexuelles de la part d’un directeur de magasin sont sorties du silence. Soutenues et conseillées par le Syndicat CFDT des services des Alpes du Sud, elles ont gagné leur procès au pénal face au harceleur. Récit d’un combat exemplaire.

Par Marie-Nadine Eltchaninoff— Publié le 07/12/2020 à 07h50 et mis à jour le 18/01/2021 à 20h24

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L’ENQUÊTE INTERNE

En 2017, Chantal Rolland, secrétaire générale du Syndicat des services des Alpes du Sud, reçoit un appel embarrassé d’un délégué CFDT du magasin Jardiland, à Gap. « Une collègue venait de subir une agression sexuelle de la part du directeur du magasin, qui avait essayé de l’embrasser de force », raconte Chantal. Baisers forcés, gestes déplacés, propos indécents, le manager poursuit Agnès de ses assiduités depuis de longs mois.

S’il n’est pas explicite, le chantage à l’emploi est insidieux et permanent : Agnès est en CDD. Le délégué CFDT de Jardiland prend conscience de la gravité de la situation et propose à la jeune femme de l’accompagner au commissariat, sur le conseil de Chantal. « L’officier de police l’a entendue et l’a incitée à porter plainte », explique la secrétaire générale du syndicat, qui, de son côté, alerte aussitôt la direction des ressources humaines au siège social du groupe. Entre-temps, les langues se délient.

Les femmes sont majoritaires parmi les employés de Jardiland. En apprenant qu’Agnès a porté plainte, une collègue, qui subissait depuis deux ans le harcèlement du manager, décide de parler à son tour. « L’entreprise a bien réagi, le DRH est venu de Paris, il a immédiatement mis à pied le directeur. » Une réunion est organisée avec l’ensemble du personnel, le médecin du travail, le psychologue du travail, l’inspecteur du travail, les membres du CHSCT, les deux délégués du personnel, suivie d’entretiens individuels pour celles qui le souhaitent. « Elles se sont toutes exprimées, se souvient Chantal. Elles n’étaient pas seules face à la direction, notre présence les a rassurées. »

Une employée chargée de l’entretien du magasin, salariée du prestataire Nera, était également invitée à témoigner. « Son employeur lui avait dit : ne fais pas de vagues, c’est un client ! » À l’issue de la réunion, Chantal a collecté vingt témoignages rédigés en bonne et due forme sur les formulaires Cerfa dont elle s’était munie. À l’issue de cette enquête, la sanction de l’employeur tombe : le directeur est licencié pour faute grave, une première victoire.

SAISIE DE LA JUSTICE

Mais il n’est pas question d’en rester là pour Chantal, qui évoque l’affaire avec Manu Lécot, conseiller prudhommes, et leurs collègues du bureau du syndicat. Ils décident collectivement d’aider les salariées dans leur démarche pour saisir la justice. Dès lors, une question se pose aux militants ; n’y a-t-il pas eu d’autres victimes avant que le directeur soit nommé à Gap, deux ans seulement avant les faits ?

Un coup de fil aux représentants CFDT du Jardiland de Montélimar, où il travaillait auparavant, confirme leur intuition. Une jeune fille à peine majeure amie de la propre fille du directeur, embauchée en alternance pour préparer un BTS, a subi elle aussi des avances insistantes et des gestes déplacés. Elle n’a pas voulu porter plainte à l’époque mais, profondément choquée, elle a changé de région pour essayer de passer à autre chose.

Pour elle, l’épisode s’est soldé par la perte de son emploi, l’abandon de sa formation et une dépression. « Nous l’avons contactée et lui avons expliqué qu’il était toujours possible de porter plainte. Elle a accepté, relate…

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