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“Ce n’est pas aux personnes les plus en difficulté de faire les frais d’arbitrages politiques et budgétaires”

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iconeExtrait de l’hebdo n°3887

Débordés par les demandes d’aide, les Restos du Cœur et d’autres associations du secteur de l’aide alimentaire alertent sur la fragilisation des plus précaires en France. Entretien avec Lydie Nicol, secrétaire nationale CFDT.

Par Sabine Izard— Publié le 12/09/2023 à 12h00

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© Marta Nascimento/RÉA

L’appel au secours du secteur associatif t’a-t-il surpris ?

Aucunement, malheureusement. Cela fait plusieurs années que ces associations alertent sur leur situation financière et sur la situation sociale en France. Ce qui choque, en revanche, c’est le décalage entre le discours politique, qui se veut optimiste, s’appuyant sur des moyennes statistiques, et la violence des situations vécues par ces personnes de plus en plus nombreuses à demander l’aide alimentaire. La France compte près de 5 millions de pauvres, selon le Rapport sur les inégalités en France – édition 2023, de l’Observatoire des inégalités. C’est donc près de 8 % de la population française qui vit en dessous du seuil de pauvreté, c’est-à-dire avec moins de 940 euros par mois pour une personne seule, en comptant les prestations sociales.

L’alimentation a augmenté de 11 % en un an, le coût de l’énergie de 7 %, et celui du logement de 19 %. Or ces dépenses contraintes pèsent beaucoup plus lourd sur les personnes à faibles revenus que sur les autres ménages. Pendant ce temps, le gouvernement met fin au bouclier tarifaire énergie et refuse de revaloriser les minima sociaux. Ces associations sont donc indispensables – et le mécénat, qu’il s’agisse des gros donneurs comme des petits, se révèle vital pour elles. Mais ça ne peut pas être l’unique réponse. L’État comme les entreprises ne peuvent pas s’exonérer de leur responsabilité par des dons ponctuels, qui plus est défiscalisés !

Que doit faire le gouvernement ?

La crise que connaît le secteur est la conséquence directe de l’augmentation du nombre de demandeurs. C’est de la responsabilité de l’État de poser, en amont, les jalons pour éviter que des personnes tombent dans la pauvreté. L’État français doit avoir une vision à long terme en matière de prévention et de lutte contre la pauvreté. La CFDT a de fortes attentes par rapport aux annonces qui seront faites par la ministre des Solidarités le 18 septembre prochain sur le sujet. Ce n’est pas aux personnes les plus en difficulté, dont les allocataires du RSA et les demandeurs d’emploi, de faire les frais d’arbitrages politiques et budgétaires.

Nous le voyons avec la négociation relative à l’assurance chômage qui s’ouvre – où le gouvernement s’obstine à vouloir baisser le montant des allocations et la durée d’indemnisation lorsque le chômage baisse. Ou encore lorsqu’il baisse les aides au logement ou qu’il ne revalorise pas les minima sociaux à hauteur de l’inflation. Ce sont les plus défavorisés qui perdent du pouvoir d’achat. Le gouvernement doit également accélérer la lutte contre le non-recours, mais sans déshumaniser l’accompagnement.

C’est aussi l’enjeu du projet de loi France Travail, sur lequel la CFDT avec de nombreux partenaires du Pacte du pouvoir de vivre ont défendu leur vision d’une politique de l’emploi durable et de qualité.

Comment agir dans les entreprises ?

À propos de l'auteur

Sabine Izard
Rédactrice

Les employeurs ont également leur responsabilité à prendre dans cette crise. Beaucoup de personnes qui recourent à l’aide alimentaire sont des travailleurs pauvres ; il y a aussi de plus en plus de jeunes. Cela signifie que ces personnes ne parviennent plus à vivre dignement de leur travail, parce que les salaires sont trop bas pour faire face à la hausse des loyers ou du coût de l’énergie, ou qu’ils sont en temps partiel subi. Il faut donc augmenter les salaires et revoir les classifications, mais également agir sur l’organisation du travail.

Trop de branches professionnelles ont encore des niveaux de classification en dessous du Smic. Nous avons négocié au début de l’année 2023 un accord partage de la valeur sur lequel peuvent s’appuyer les équipes militantes pour négocier. Bien entendu, les syndicats ont aussi leur rôle à jouer. Par la négociation collective, évidemment, mais aussi en construisant une politique d’aide en direction de ceux qui en ont le plus besoin à travers l’utilisation du budget des activités sociales et culturelles du comité social et économique comme l’emprunt solidaire ou les secours exceptionnels.