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Le coup de gueule du monde associatif

iconeExtrait du magazine n°497

En septembre dernier, les associations lançaient un cri d’alarme sur les manques et besoins de l’aide alimentaire, provoquant un choc dans l’opinion publique. Les entreprises et les particuliers ont répondu dans l’urgence à cet appel, mais des réponses plus structurelles se font attendre.

Par Sabine Izard— Publié le 27/10/2023 à 09h00

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© REA

1. Soit 60 % du revenu médian (1 837 euros, somme qui correspond au seuil de pauvreté monétaire).

2. Soit 40 % du revenu médian.

3. Crédoc. « La débrouille des personnes qui ne mangent pas toujours à leur faim ». Note de synthèse no 36, septembre 2023.

Aujourd’hui, en France, plus de 10 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, c’est-à-dire avec moins de 1 102 euros par mois1. Et 2 millions de personnes vivent dans l’extrême pauvreté, avec moins de 800 euros par mois 2. « À ce niveau, les personnes sont en rupture d’accès à l’alimentation, c’est-à-dire qu’elles ne peuvent pas choisir ce qu’elles mangent ni se préparer un repas », explique Frédérique Kaba, directrice des missions sociales à la Fondation Abbé Pierre.

Selon une étude du Crédoc parue en septembre 2023, 16 % de la population serait ainsi en situation de précarité alimentaire, déclarant n’avoir pas toujours assez à manger3.

En un an, l’alimentation a augmenté de 11%, le coût de l’énergie de 7% et celui du logement de 19%. Des hausses ressenties durement par la plupart des Français, mais qui sont particulièrement insupportables pour les personnes en grande précarité. «Une fois payées toutes les charges, il reste en moyenne 5euros par jour pour les autres dépenses comme l’alimentaire, l’habillement mais aussi les imprévus comme le remplacement d’un lave-linge en panne, explique Véronique Devise, présidente du Secours catholique. Des mères de famille cessent de se nourrir en fin de mois pour donner à manger à leurs enfants, d’autres cessent de se chauffer.»

Les associations constatent aussi une dégradation de la situation des étudiants sous le double effet de la hausse des coûts de l’alimentation et du logement ainsi qu’un accroissement du nombre de personnes âgées dans un petit logement, souvent insalubre, qui connaissent des ruptures de ressources et cessent de se nourrir en fin de mois. Et, selon l’Unicef, en septembre 2023, ils étaient 1 990 enfants sans solution de logement, soit 20 % de plus que l’année passée.

Le monde du travail est également confronté aux effets de l’inflation. Selon l’Insee, 18 % des ménages pauvres en France sont des ménages insérés dans l’emploi mais percevant des salaires trop bas pour faire face à la hausse des loyers et de l’alimentation. Cette crise due à l’inflation s’ajoute à la crise sanitaire de 2020, qui avait déjà vu l’arrivée de nouveaux profils dans les centres de distribution alimentaire. « La période Covid a asséché les ressources financières de celles et ceux qui en avaient », explique l’historienne Axelle Brodiez-Dolino.

Répondre à la gravité de la situation

Pour les associations du secteur comme pour la CFDT, il est urgent que le gouvernement prenne la mesure de la crise qui se déroule sous ses yeux. Le Pacte des solidarités présenté le 18septembre dernier par le gouvernement est loin d’avoir répondu à toutes les attentes. Certaines mesures sont saluées telles que la solidarité à la source, qui vise à simplifier l’attribution et le versement des aides sociales et ainsi lutter contre le non-recours, le maintien des places d’hébergement d’urgence en 2023 ou encore le maintien du budget versé par l’État aux associations, un temps menacé de coupes drastiques. Elles sont néanmoins jugées insuffisantes pour répondre à la gravité de la situation des personnes et des associations.

Aux côtés de nombreuses associations comme le Secours catholique ou la Fondation Abbé Pierre, la CFDT exige en priorité, et en urgence, une revalorisation du RSA et des aides au logement. Le constat est partagé par tous : les aides actuelles ne sont pas suffisantes pour les personnes les plus pauvres, y compris les travailleurs pauvres. « Ne pas répondre aux besoins de première nécessité est extrêmement maltraitant », résume une militante associative. « Sans mesures structurelles, on va vers une hausse de la pauvreté et de la grande pauvreté, alerte la présidente d’ATD Quart Monde, Marie-Aleth Grard. Lutter contre la pauvreté est une question politique. Il ne peut être question de se cacher derrière des arguments budgétaires pour ne rien faire. »

À propos de l'auteur

Sabine Izard
Rédactrice

Si l’alerte des associations en septembre sur les difficultés de l’aide alimentaire a choqué, elle leur a permis de bénéficier d’aides supplémentaires des entreprises et des particuliers, mais ces dons ne doivent pas occulter l’impuissance des politiques publiques, que ce soit dans le domaine de l’alimentation ou du logement.

Tout le monde peut aider

Pour financer ses actions, le secteur associatif n’hésite pas à nouer des partenariats avec certaines entreprises. C’est notamment le cas de la Fondation Abbé Pierre, qui, grâce à « l’arrondi » solidaire sur la facture d’achat des clients d’Auchan, a pu bénéficier d’un don permettant de financer une formation sur l’alimentation dispensée à 400 personnes en situation d’exclusion, de privation de logement ou en errance. La Fondation Abbé Pierre a également mis en place avec EDF un programme de rénovation de logements mal isolés en logements peu consommateurs d’énergie pour les ménages modestes. Elle a aussi noué un partenariat avec des entreprises de l’ameublement sous forme de cartes d’achat pour les personnes en difficulté. « Parfois, ça part d’un salarié qui lance une action pour que son entreprise dégage des fonds afin d’aider les personnes démunies », explique Frédérique Kaba, de la Fondation Abbé Pierre : « Ces initiatives sont importantes pour nous. Tout le monde peut aider ! »