La RSE de Maisons du Monde n’associe pas suffisamment les salariés

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iconeExtrait de l’hebdo n°3877

La direction de l’enseigne d’ameublement et de décoration agit peu mais communique beaucoup sur ses ambitions en matière de responsabilité sociale et environnementale (RSE). Dans ce contexte, la CFDT refuse d’être cantonnée au rôle d’observateur, voulant jouer celui d’aiguillon. Une manière de prévenir toute tentative de “greenwashing”.

Par Emmanuelle Pirat— Publié le 06/06/2023 à 12h00

Tiphaine Bouyahy, élue du comité social et économique, et Cédric Le Guellec, délégué syndical.
Tiphaine Bouyahy, élue du comité social et économique, et Cédric Le Guellec, délégué syndical.© Syndheb

Il est un peu plus de 18 heures dans le vaste hall d’accueil du siège de Maisons du Monde à Vertou (banlieue de Nantes) quand quelques personnes en tenue de gym, sac de sport sur l’épaule, se hâtent vers l’espace fitness. Les locaux se vident doucement, mais quelques salariés ont choisi de prolonger leur journée de travail par une séance avec un coach sportif… Une des nombreuses idées de la direction censée prouver son intérêt pour la RSE.

Depuis une dizaine d’années, Maisons du Monde (cette enseigne emploie environ 3 400 salariés dans ses 217 magasins en France) multiplie les initiatives en la matière : création d’une fondation à la fin 2015 ; mise en place d’une politique « Good is beautiful » pour développer une offre de produits plus durables (30 % du catalogue actuellement, avec un objectif de 40 % en 2025) ; efforts de réduction de l’empreinte carbone ; partenariat avec des associations ; rédaction d’une raison d’être à la fin 2021… Ces démarches doivent, selon la direction, « inspirer à chacun l’envie de s’ouvrir au monde pour créer ensemble des lieux de vie uniques, chaleureux et durables ». Un tel slogan interroge l’équipe CFDT : est-ce une véritable feuille de route ou une simple signature marketing ?

“Ambassadeurs de la RSE”

1. « Écoblanchiment » aussi appelé « verdissage » en français.

« On ne peut pas reprocher à la direction de ne rien faire. Mais si certaines initiatives sont sincères, d’autres relèvent davantage du greenwashing1 », relève d’emblée Tiphaine Bouyahy, chargée des supports applicatifs à la direction des systèmes informatiques (DSI) et élue au CSE pour son premier mandat. La désignation d’un « ambassadeur de la RSE » (par service, mais aussi dans chacun des magasins de l’enseigne), par exemple, ne fait pas l’unanimité au sein de la section. « L’idée est plutôt bonne, d’autant plus qu’a été fait le choix de proposer aux salariés et non aux directeurs de magasin de devenir ambassadeurs de la RSE. Cependant, la façon dont cela est mis en œuvre diffère selon les sensibilités des directeurs sur le sujet », note Cédric Le Guellec, délégué syndical CFDT et employé au SAV de Maisons du Monde.

L’équipe CFDT pointe surtout le décalage qui existe entre « ce qui est pensé, décidé au siège et la réalité de terrain dans les magasins », s’agace ce salarié d’un magasin de l’est de la France qui a requis l’anonymat. Certes, une politique de tri sélectif plus responsable a permis d’impulser « une dynamique et une sensibilisation plus forte à la protection de l’environnement », estime Ingrid Cahagne, responsable du département Meubles du magasin de Caen (23 salariés). Mais qu’en est-il de l’application et du contrôle des règles RSE dans l’ensemble des magasins de l’enseigne, par exemple en ce qui concerne le suivi des produits défectueux, abîmés et pouvant être réparés ? « C’est justement une question que nous allons porter au prochain CSE », indique Ingrid. « Comment la direction s’assure que les directeurs régionaux et les directeurs de magasin encouragent et contrôlent le tri et le recyclage en magasin ? Les consignes sont-elles appliquées ? », compte demander l’élue en instance.

Des situations contrastées selon les magasins

De fait, aujourd’hui, les témoignages révèlent des situations très contrastées en fonction des magasins. « On constate encore beaucoup trop de gaspillage ! », s’énerve une élue CFDT qui fustige « les milliers d’articles que l’on jette à la benne parce qu’ils ont un défaut (petite fissure, peinture écaillée…) ou parce qu’ils sont jugés abîmés. On pourrait faire un atelier de customisation, comme cela se fait chez Leroy Merlin ou dans d’autres enseignes, ou travailler avec des associations afin qu’elles récupèrent ces articles. Sauf qu’un très grand nombre de directeurs de magasin ne veulent pas perdre de temps avec ça. La pression sur les coûts et la question de la rentabilité, c’est toujours ce qui prime ».

À l’inverse, dans son magasin de Caen, Ingrid assure que « tout est mis en œuvre pour maximiser le recyclage. Nous contactons des associations comme Emmaüs ou la Croix-Rouge qui viennent retirer du mobilier ou des articles pouvant encore servir ». D’où l’importance du rôle des élus « pour gagner en cohérence dans l’ensemble des magasins », appuie Ingrid.

Critères RSE pour la participation et l’intéressement

2. Négociations annuelles obligatoires.

Comme dans nombre d’entreprises, l’équipe CFDT de Maisons du Monde reconnaît qu’il est difficile d’être entendue à propos de la RSE. Même si, admet Cédric, « le dialogue social sur le sujet s’est largement amélioré ces dernières années. Il se construit progressivement », ajoute l’élu, qui en est à son deuxième mandat. Bien que non majoritaire (la CFDT a obtenu 35 % des suffrages et l’Unsa 65 % aux dernières élections), l’équipe pousse ses revendications avec ténacité. « Pendant les NAO2, on a mis le forfait mobilité durable sur la table afin, entre autres, d’obtenir un financement pour l’achat de vélos électriques. Et nous sommes en cours de négociation d’un accord relatif à la participation et à l’intéressement dans lequel nous voulons intégrer des critères RSE, à hauteur de 15 à 20 %, à l’image de ce qui se pratique pour les cadres dirigeants », précise Cédric.

À propos de l'auteur

Emmanuelle Pirat
Journaliste

Dans l’équipe, ce ne sont pas les idées et les projets qui manquent pour davantage impliquer les salariés car « une grande partie des effectifs n’est pas encore suffisamment embarquée », regrette Tiphaine. Cédric, qui a participé à la grande Fresque du Climat organisée à Nantes par l’Union régionale interprofessionnelle CFDT des Pays de la Loire, le 24 avril, voudrait convaincre la direction d’en organiser pour l’ensemble du personnel. Une autre manière d’impulser une dynamique proactive en faveur de la RSE.