“J’ai un job de rêve”

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Mon travail idéal

Pierre, Clémence, Zahir, Mourad et Gaëtan sont des travailleurs heureux. Agent de la fonction public ou salarié du privé, délégué du personnel ou non, ils renfocent cette idée que le travail idéal est une idée subjective. Témoignages.

Par Sabine Izard— Publié le 02/01/2024 à 07h07

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© Joseph Melin

Clémence, éducatrice spécialisée

« Je me sens respectée au quotidien »

Diplômée en 2022, Clémence, 24 ans, est éducatrice spécialisée au sein de l’association Soliha, qui propose des solutions d’habitat privé à vocation sociale. Elle a notamment la charge d’aider les gens à trouver un logement social et de prévenir les expulsions locatives. « Le métier est difficile mais je suis très épanouie dans mon poste », reconnaît la jeune femme, fière de travailler pour un employeur certifié ISO et Qualicert, certifications qui récompensent notamment la qualité des services. Elle trouve ses conditions de travail confortables : outre la prime « Ségur » de 183 euros nets par mois, Clémence touche un treizième mois et a la possibilité de faire du télétravail. Elle a ses week-ends, « ce qui est rare dans le secteur social ». Enfin, ses horaires sont flexibles et son employeur l’autorise à « rattraper ses heures jusqu’à la fin du mois ».

Les temps d’échanges avec les équipes sont également des moments importants dans sa pratique professionnelle. Des groupes d’analyse de la pratique sont organisés tous les deux mois. « Ça permet de bien traiter nos suivis. » Enfin, Clémence se sent « respectée au quotidien » et soutenue par sa hiérarchie et ses collègues. « Les perspectives d’évolution sont nombreuses si tant est que l’on s’en saisisse (double mission, formation régulière…) et le salaire suit ! » 

Pierre, agent comptable

« Nous sommes passés en mode collaboratif »

Chef de service d’une agence comptable qui gère sept établissements scolaires parisiens, Pierre, adhérent CFDT, a déployé un outil collaboratif pour faciliter le travail de son équipe. « Je me suis appuyé sur ce que faisaient les start-up d’État », explique-t-il. L’idée : dématérialiser le travail et intégrer la transversalité.

Tous les agents qui interviennent sur un dossier ont le même niveau d’information, un accès à l’historique des échanges et à l’ensemble des pièces jointes. « C’est une vraie décharge mentale », explique Justyna, secrétaire de gestion. Si un collègue a un empêchement, un autre peut reprendre la main. « Ici, chacun est indépendant, nous sommes dans la discussion, dans l’aide. On a un bien-être au travail, personne n’envisage de changer », abonde Rachel, contrôleuse comptable.

Rachel (contrôleuse comptable), Justyna (secrétaire de gestion) et Pierre.
Rachel (contrôleuse comptable), Justyna (secrétaire de gestion) et Pierre.DR

« En tant que manager, ça me permet de me concentrer sur l’expertise, explique de son côté Pierre. Je n’ai plus à gérer la quotidienneté des dossiers. Tout le monde est en autonomie. Tant qu’une personne ne maîtrise pas une tâche, on la refait ensemble. On apprend en compagnonnage. » En plus de cet aspect très collaboratif du travail, l’équipe se réunit chaque trimestre autour d’un facilitateur externe pour des réunions de « rétrospectives ». Lors de ces réunions, chacun note ses freins, ses réussites, ses besoins, les difficultés qu’il a rencontrées dans son travail ou au sein de l’équipe. L’occasion aussi d’exprimer des critiques ou des remerciements, et parfois de désamorcer les conflits. « Ça a libéré la parole », reconnaît Pierre. « Dans ce fonctionnement, chacun donne le sens qu’il veut à son travail. On fait juste en sorte que tout le monde se comprenne. »

Zahir, technicien de laboratoire, délégué syndical CFDT (Bioepine/Biogroup)

« Si la charge de travail augmente plus vite que les rémunérations, ça ne va pas »

« Pour moi, le travail idéal, c’est un travail que l’on aime faire et dans lequel on se projette encore demain. En tant qu’élu au comité social et économique, j’ai à cœur d’accompagner chaque salarié sur le revendicatif de base : son bien-être, sa rémunération, sa reconnaissance, sa progression dans l’entreprise, sa charge de travail. Par exemple, un salarié dont la charge de travail augmente plus vite que la rémunération n’est pas bien dans son travail. Parfois, les salariés ne parviennent pas à mettre des mots sur ce qu’ils vivent. Dans les cas de harcèlement, ils pensent souvent que le problème vient d’eux. Or ce n’est pas le cas. En 2022, nous avons fait une alerte à Bioepine, un établissement de Biogroup [regroupement de laboratoires de biologie médicale]. Une enquête a été menée pendant huit mois. Quarante-deux salariés ont témoigné. La personne harcelée a été déplacée et les autres personnes ont été reclassées ou sont parties. Il a fallu dissoudre complètement l’équipe car les salariés n’arrivaient plus à travailler. Mais ça a renforcé la légitimité de la CFDT auprès des salariés, et nous avons fait des adhésions. » 

Mourad, gestionnaire des approvisionnements

« La reconnaissance est très importante »

Mourad Elkhaloui (au centre) est délégué syndical central CFDT, Adveo France (distributeur de fournitures de bureau).
Mourad Elkhaloui (au centre) est délégué syndical central CFDT, Adveo France (distributeur de fournitures de bureau). © DR

« Le travail idéal est un travail où les salariés sont épanouis et viennent travailler sans pression et sans stress. La reconnaissance aussi est très importante. L’entreprise doit être à l’écoute des salariés et doit faire attention à leur pouvoir d’achat. Dans mon entreprise, nous avons obtenu 4% d’augmentation collective aux NAO [négociations annuelles obligatoires] en 2023. C’est passé aussi par la mise en place du télétravail. Alors que l’employeur y était complètement réfractaire, la période Covid a permis de le rassurer sur le sujet. Depuis, nous avons élaboré une charte télétravail que nous souhaitons transformer en accord d’entreprise. Les salariés bénéficient de deux jours de télétravail par semaine, les lundi et vendredi. C’était très important pour eux car l’entreprise a déménagé dans une autre région, ce qui a rallongé la distance et donc les temps de transport. Conséquence, ils sont reconnaissants, et la CFDT a obtenu sept postes de titulaires CSE sur huit aux dernières élections professionnelles ; elle obtient plus de 70% de représentativité au niveau national ! » 

Gaëtan, aide-cuisinier

« J’ai un job de rêve »

À propos de l'auteur

Sabine Izard
Rédactrice

Après avoir travaillé pendant plus de trente ans dans l’hôtellerie-restauration au Luxembourg, Gaëtan décide de changer de vie et trouve un emploi d’aide-cuisinier en Ehpad, dans la Meuse, à 11 kilomètres de chez lui.

« J’ai un job de rêve, s’enthousiasme cet adhérent CFDT. J’ai plus de temps pour moi, mes loisirs, ma famille. » Auparavant, Gaëtan travaillait les week-ends, tôt le matin, tard le soir, avec des clients « pas toujours sympas ». « Je découvre une vie que je n’avais jamais connue jusqu’ici. »

Mais le plus important pour lui, c’est le contact quotidien avec les résidents, avoir un travail qui fait sens. « Les personnes en Ehpad ont besoin d’attention, de discuter. Elles sont contentes quand elles me voient », explique-t-il.

En cuisine, Gaëtan aide à la préparation des yaourts, des plats mixés et fait le service en salle. C’est également lui qui a la charge de transporter les repas chauds dans les autres établissements. « C’est une grande responsabilité. Les plats doivent arriver en temps et en heure, et intacts. Et quand j’arrive, des personnes âgées m’attendent, on me fait participer aux animations. Dans mon emploi précédent, j’étais mal considéré ; juste un numéro qu’on était obligé de payer. »