“Il faut maintenir les ponts avec cette société civile russe qui aspire à la démocratie”

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iconeExtrait de l’hebdo n°3816

Le 15 mars, la CFDT d’Île-de-France organisait une conférence en présence d’acteurs associatifs et intellectuels français, ukrainiens et russes. Ce temps d’échange a permis de marquer la solidarité de la CFDT, de comprendre les enjeux géopolitiques et d’esquisser des perspectives d’avenir.

Par Guillaume Lefèvre— Publié le 17/03/2022 à 15h13

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© CFDT-Île-de-France

Vingt jours après le début de l’invasion russe, la conférence « Pour une Ukraine libre ! », organisée par la CFDT-Île de France, a largement mobilisé les adhérents. « C’est un rendez-vous important afin d’exprimer notre engagement pour une Ukraine indépendante et démocratique, mais aussi pour dire notre soutien à ceux qui en Russie s’opposent à Vladimir Poutine », rappelait en introduction le secrétaire général de la CFDT francilienne, Diego Melchior.

Une voix parmi d’autres alors que, partout dans le monde, les syndicalistes ont décidé de faire du 15 mars une journée d’action en soutien à l’Ukraine. « Nous continuons à appeler au dialogue et à la paix […], nous agissons avec la Confédération européenne des syndicats (CES) auprès de l’Union européenne afin qu’elle apporte une aide financière à l’Ukraine, renforce les sanctions et accorde le droit de circuler librement à tous ceux qui fuient le pays », résume fort à propos Maher Tekaya, responsable du service International de la Confédération. Un message pleinement entendu par Volodymyr Kogutyak, activiste franco-ukrainien et président de l’association Nouvelle Ukraine, qui salue la « mobilisation incroyable » de ces derniers jours en faveur de son pays. « Nous ne sommes pas seuls ! »

“La Russie, ce n’est pas Poutine”

« Poutine n’avait pas imaginé que nous résisterions. Il n’avait pas imaginé notre détermination. Il n’imaginait pas une telle mobilisation en Europe. Nous allons défendre l’Ukraine. Nous allons défendre l’Europe. Et nous allons gagner », poursuit Volodymyr Kogutyak. « Cette guerre n’est pas celle de la Russie contre l’Ukraine ; cette guerre, c’est celle de Vladimir Poutine », précise le militant.

L’action de la journaliste Marina Ovsyannikova, qui a brandi une pancarte anti-guerre sur Channel One (la principale chaîne de télévision russe), le 14 mars, en est le dernier symbole. Cet acte de bravoure vient s’ajouter aux vagues de protestation qui se multiplient à travers la Russie. Près de 20 000 citoyens russes ont été arrêtés depuis le début du conflit. « Ce qu’a fait cette journaliste est très courageux. C’est la première fois en vingt ans que quelqu’un dit la vérité sur cette chaine. Si le geste n’a duré que quelques secondes, c’est un geste historique, explique Dmitry Rodin, de l’ONG Russie-Libertés. C’est le signe que quelque chose se passe dans le pays. » « Il faudra d’ailleurs veiller à ce que dans des domaines comme la culture, l’éducation, etc., nous maintenions les ponts avec cette société civile qui aspire à la démocratie », alerte Maher Tekaya.

L’indispensable lutte contre la désinformation

« Cette guerre peut représenter une brèche pouvant stopper la complaisance envers Vladimir Poutine », insiste Anne Dujin, rédactrice en chef de la revue Esprit, initiatrice de l’appel « Pour une Ukraine libre ! ». Pourtant, en France et ailleurs en Europe, les soutiens du Kremlin sont encore nombreux, et l’influence de la Russie sur certains intellectuels est relativement forte, notamment chez ceux qui « mettent sur un même pied les États-Unis et la Russie, sans se questionner sur la nature du régime ».

Sans parler des partis politiques (notamment ceux de l’extrême droite) qui, partout en Europe, reçoivent des financements en provenance du Kremlin. « Les Russes sont passés maître de la désinformation et leurs relais sont nombreux. Nous assistons actuellement à l’émergence de discours qui rejettent la responsabilité de cette guerre sur les Ukrainiens eux-mêmes, qui la minimisent ou qui la considèrent comme une simple fatalité. » Dans ce contexte, l’indifférence est une menace supplémentaire pour l’Ukraine, prévient Volodymyr Kogutyak : « Il ne faut surtout pas que ce conflit se banalise dans les esprits. En Ukraine, ce sont des maternités et des écoles qui sont bombardées, et des civils qui meurent. »