Extrait du magazine n°490
Face aux difficultés d’accès aux services publics dans le monde rural, l’État a déployé ses maisons France services, des structures où il est possible d’effectuer plusieurs démarches administratives. Trois ans après leur apparition, ces espaces séduisent mais pourraient être grandement améliorés.

À côté de la mairie de cette petite ville rurale de Côte-d’Or, une plaque fixée à une grille indique : « Maison France services, au fond du square à gauche ». Une fois traversé le square en question, les usagers découvrent un espace d’accueil, avec deux ordinateurs et scanners à disposition pour effectuer leurs démarches administratives, des affichages multiples indiquant les permanences de l’Assurance maladie ou des offres d’emploi. Une agente à l’intérieur d’un bureau (qui peut être fermé pour garantir la confidentialité) reçoit à ce moment-là une personne pour ses démarches avec la CAF.
Des maisons France services (MFS) comme celle-ci, il en existe désormais près de 2 500 sur le territoire national.
Ces structures, majoritairement portées par des collectivités territoriales (voir infographie ci-dessous) sont apparues en 2019 à la suite de la révolte des Gilets jaunes et du Grand débat national. L’objectif ? Améliorer l’accessibilité des services publics par un accueil physique et donner la possibilité à une personne d’effectuer plusieurs démarches administratives basiques en un même lieu, sans pour autant se substituer aux administrations. Neuf partenaires sont, au minimum, associés aux maisons France services : l’Assurance maladie, la Mutualité sociale agricole, les caisses d’allocations familiales, Pôle emploi, le ministère de la Justice, l’Agence nationale des titres sécurisés, La Poste, les Finances publiques et l’Assurance retraite.

Le sénateur du Cantal Bernard Delcros (Union centriste) s’est intéressé à ces maisons dans le cadre de ses fonctions à la commission des finances. Son rapport, présenté en juillet 2022, souligne que la transformation d’anciennes structures comme les maisons de services au public (MSAP) en maisons France services « a permis une réelle montée en gamme […] grâce à un cadre plus clair, un cahier des charges exigeant et des partenariats conclus avec des opérateurs nationaux ». À noter que certaines maisons « ont également intégré de nombreux acteurs locaux, atteignant parfois jusqu’à une quarantaine de partenaires ».
Les auditions menées montrent que le dispositif satisfait les usagers.
Les pistes d’amélioration
« La force essentielle des maisons France services, c’est le lien. Le tout-numérique laisse des personnes sur le bord du chemin. Dans les maisons, il y a quelqu’un avec qui échanger. Et si les usagers ont des difficultés pour accéder à des services, remplir des dossiers, les agents peuvent
les accompagner », souligne le sénateur.
Toutefois, Bernard Delcros estime que des améliorations peuvent être mises en place. « Il faut que de nouveaux partenaires soient associés. Je pense notamment à MaPrimeRenov’ et FranceRénov’, une démarche qui ne se déroule que sur Internet. Le lien avec les opérateurs doit être aussi amélioré, que les agents France services puissent fixer facilement un rendez-vous pour l’usager avec l’un des services. »
Autre point épineux pour le sénateur, la question du financement. Actuellement, une collectivité qui souhaite ouvrir une MFS reçoit de l’État et des opérateurs 30 000 euros par an pour la faire fonctionner. Le reste est financé par la collectivité territoriale. « Or le coût moyen d’une maison France services, c’est 110 000 euros. Je propose donc que l’on porte l’accompagnement financier de l’État et des opérateurs à 50 000 euros par an et par maison. »
« Mettre l’accent sur la formation »
1. Avec le Pacte du pouvoir de vivre, un livret a été édité) : Services publics, services aux publics et territoires : 26 mesures pour changer de logique et assurer un accès universel aux droits.
Les maisons France services intéressent aussi la CFDT, qui a travaillé sur le sujet1. « Les maisons France services peuvent combler certaines carences d’accès dans les territoires. Il faut les penser en lien avec ceux-ci, poser la question de leur gouvernance, de la place des usagers et des professionnels », indique Jocelyne Cabanal, secrétaire nationale de la CFDT, chargée de l’action publique.
Des enquêtes ont été menées par plusieurs fédérations CFDT concernant les personnels des MFS. « Il y a une grande disparité. Ce qui nécessite de mettre l’accent sur la formation et la reconnaissance des compétences. La CFDT revendique un référentiel qui valorise le métier de l’agent d’accueil, pour que celui-ci ne soit pas vu comme une personne en bout de chaîne. Ces compétences sont importantes dans la réussite du dispositif France services », ajoute Jocelyne Cabanal.
De son côté, l’exécutif a réaffirmé son engagement en faveur des MFS, en lançant un « acte II » durant l’automne 2022. Le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques a indiqué vouloir travailler sur la montée en compétences des agents, renforcer les liens entre les opérateurs et les administrations, et étendre l’offre. Un partenariat avec la Banque de France est en test dans huit départements afin de proposer des services concernant le surendettement ou l’aide aux ménages dans la gestion de leurs finances.
Quant au financement de l’État, il devrait rester inchangé, après avoir été augmenté de 5 000 euros par an et par maison à la fin 2022. Le déploiement doit se poursuivre : 140 nouvelles structures devraient être labellisées France services dans les prochains mois. De quoi assurer un maillage complet du territoire.