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Extrait de l’hebdo n°3891
Si la France veut tenir ses engagements européens de neutralité carbone en 2050, elle devra investir 70 milliards d’euros d’ici à 2030. Les dernières Rencontres du Cese se sont intéressées au financement de ces dépenses.

Les hasards du calendrier font parfois bien les choses : au surlendemain de la présentation par le président de la République de son projet de relance de la planification écologique, le Cese s’interrogeait ce 27 septembre sur le financement de la transition écologique. Fort de plusieurs travaux consacrés au sujet, et de l’avis « Financer notre stratégie énergie-climat : donnons-nous les moyens de nos engagements », voté à l’unanimité en février dernier, le Conseil économique, social et environnemental a donc réuni des experts de tous horizons pour une matinée d’échanges sur les moyens de financer l’indispensable transition. Un financement « qui ne peut se faire que dans la justice », indiquait en introduction Thierry Beaudet, le président du Cese.
Un financement juste…
« La bataille n’est pas encore gagnée en faveur de la transition écologique mais il est indispensable de la mener jusqu’au bout, dans toutes ses dimensions – technologique, économie, sociale… – au risque d’une radicalisation du paysage politique et social en cas d’échec », rappelle Gilles de Margerie, commissaire général de France Stratégie. Un avis totalement partagé par Julia Grimault, rapporteure de l’avis du Cese : « Nous ne devons surtout pas dévier de la trajectoire fixée. La question ne peut plus être de savoir si on est pour ou contre la transition écologique mais comment on la finance. Et pour être socialement acceptable, ce financement doit être juste. »
Lors d’une première table ronde intitulée « Argent public : dépenser plus et/ou dépenser mieux ? », l’inspectrice générale des finances Selma Mahfouz pointe dans son rapport coécrit avec Jean Pisani-Ferry un besoin, « tous secteurs confondus, de 60 à 70 milliards d’euros d’ici 2030 », ce qui correspond pour une part importante à des « investissements pas forcément rentables ». Pour autant, insiste-t-elle, « il est indispensable de sortir des énergies fossiles tel que cela a été décidé collectivement, et quel qu’en soit le coût ». C’est d’ailleurs là que le bât blesse, selon Jézabel Couppey-Soubeyran, maîtresse de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon : « Notre système économique n’est pas façonné pour ne pas être rentable. »
… Et un financement acceptable
Que le financement de la transition porte sur la dette ou la fiscalité, « il faut que la répartition des efforts soit juste si on veut qu’ils soient acceptés », analyse le président de l’OFCE, Xavier Ragot. Avec un maître mot : l’équité. « Personne ne doit être laissé sans solution et personne ne doit avoir le sentiment de faire plus d’efforts que les autres. » Quant aux modes de financement, « le débat ne doit pas se limiter aux experts mais être le plus démocratique possible ».
L’acceptabilité sociale des efforts que nécessite la transition écologique passe également par la participation citoyenne. « Rien ne serait pire que de ne pas tenir compte des enseignements de la crise des gilets jaunes et de se retrouver avec une France coupée en deux, irréconciliable, avec d’un côté les propriétaires de Tesla et de l’autre ceux de vieux diesels, qui se retrouveraient exclus des centres-villes », met en garde Damien Demailly, directeur général adjoint de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE). « On doit tous faire des efforts mais ils doivent être équitablement répartis. » Et s’il est « indispensable que les ultras-riches soient mis fortement à contribution, il ne faut pas laisser croire que cela suffira à financer la transition ».
In fine, ce sont bien les idées de justice et d’acceptabilité qui doivent être au cœur de la réflexion sur le financement de la transition écologique, rappelle Julia Grimault : « Au-delà du consensus qui commence à se faire jour autour de l’idée que l’on n’a pas le choix et que le temps presse, pour que les efforts soient socialement acceptés, il faut que ces derniers soient ressentis comme équitablement partagés. »