[Dossier 2/3] Le coût de l’inaction abonné

Depuis trente ans, les scientifiques alertent. Le réchauffement climatique menace les populations, de leur santé à leur survie. Et, dès à présent, la dégradation de l’environnement va de pair avec l’augmentation des inégalités sociales.

Par Claire Nillus— Publié le 12/03/2019 à 09h49

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Voilà, on y est ! 2018 a été l’année la plus chaude jamais observée en France depuis les premières mesures météo (1850) et enregistre un record d’épisodes climatiques dramatiques aussi bien dans l’hémisphère sud (le plus fragile) qu’au nord, comme en témoignent les feux de forêts dévastateurs qu’a connus la Suède cet été à cause de la sécheresse.

Depuis vingt ans, les dépenses liées aux désastres climatiques ont augmenté de plus de 250 %, selon le rapport du Bureau des Nations unies pour la réduction des risques de catastrophes. La nécessité de changer de modèle ne fait plus débat mais la crise des gilets jaunes l’a mise en lumière : justice sociale et justice environnementale ne peuvent pas être dissociées. Si l’on agit sur l’une, il faut agir sur l’autre.

Climat et inégalités

« Les inégalités sociales et environnementales vont trop souvent de pair, y compris en France », constate Lucas Chancel, codirecteur du Laboratoire sur les inégalités mondiales, (également chercheur senior à l’Iddri – Institut du développement durable et des relations internationales – et enseignant à SciencesPo-Paris).

L’économiste chercheur a démontré le lien étroit qui existe entre le niveau des revenus et la pollution. Les riches consomment plus et ont donc un impact plus important sur l’environnement. Les populations les plus fragiles sont quant à elles plus exposées aux risques. Une transition écologique juste leur permettrait d’accéder à une alimentation plus saine, à un logement bien isolé, à des moyens de transport moins polluants. Trois sujets où « fin du monde » et « fin du mois » convergent.

La dernière enquête du ministère de l’Écologie sur les pratiques environnementales des Français (avril 2018) montre que la mise en œuvre de comportements vertueux dépend, hélas, bien souvent du budget des ménages. Peu coûteux et accessible à tous, le tri des déchets s’est imposé facilement dans 80 % des foyers tandis que la question des achats responsables et la prise en compte de l’environnement restent beaucoup plus aléatoires.

La question de l’énergie vient encore s’ajouter au tableau. Un sondage réalisé en 2017 par OpinionWay, à l’approche de l’hiver, fait apparaître que la facture de chauffage représente « une crainte réelle pour les Français ». Mais bien isoler son logement (le bâti est responsable de 20 % des émissions de gaz à effet de serre de la France) n’est pas à la portée de toutes les bourses.


D’après l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), les Français dépensent 2900 euros par an en moyenne et par foyer pour régler leurs factures d’énergie (incluant chauffage, électricité et achats de carburants), soit 8,5 % de leur budget (en moyenne), et 7 millions de personnes seraient en situation de précarité énergétique.

Or le prix des énergies conventionnelles (pétrole, gaz, nucléaire…) ne va cesser de croître. L’extraction de pétrole coûte de plus en plus cher et la production d’énergie nucléaire va être impactée à terme par le coût des rénovations de centrales vieillissantes. Il y a urgence à investir dans les énergies renouvelables.

L’association ECLR Occitanie, mise en place avec l’Ademe Languedoc-Roussillon, en a fait son cheval de bataille : depuis 2015, elle aide à monter des « projets de transition énergétique citoyenne » avec les élus et les habitants sur le principe de la mutualisation des ressources et des besoins. En Occitanie, 40 projets ont déjà vu le jour, produisant 13 GWh en 2017, facturés de 5 à 9 cents le kWh contre plus de 10 cens pour les autres énergies.

L’effort sera collectif

StephaneAudras REA« Même si l’on sait que c’est à l’échelle mondiale que les solutions seront les meilleures, si l’on se limite à parler globalement, on n’arrivera pas à imaginer ce que peut être une “transition écologique”. Il faut traiter les choses localement. Chacun dans sa région ou dans son entreprise est confronté à des situations très différentes », souligne Jean-François Soussana, directeur scientifique à l’Inra. « L’effort ne peut être que collectif. En aucun cas, il ne doit peser sur les seules épaules de quelques-uns. Mais entre le “moi tout seul” et les accords mondiaux, il y a d’autres échelles, celle du territoire, celle de l’entreprise », insiste Hervé Le Treut, membre du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat).

En France, il existe déjà une myriade d’initiatives locales (L…

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