Comment, en un an, le réseau TEJ a embarqué les militants

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iconeExtrait de l’hebdo n°3894

En octobre 2022 naissait le réseau transition écologique juste de la Confédération. Il rassemble une trentaine de référents “transition juste” issus des unions régionales, fédérations et unions confédérales autour d’un projet commun : sensibiliser leurs structures sur les transformations écologiques à venir engager le nécessaire dialogue social sur le sujet dans les entreprises. Quel bilan et quelles perspectives ?

Par Claire Nillus— Publié le 31/10/2023 à 13h00

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© DR - CFDT

Certains étaient déjà des militants aguerris à la transition juste, d’autres n’avaient pas vraiment eu l’occasion de se former jusqu’à présent. Mais, depuis un an, tous se sont investis, informés et formés. Réunis en plénière le 12 octobre dernier, les responsables CFDT transition juste ont évoqué ensemble les actions menées dans leurs structures respectives, partagé leurs succès et leurs difficultés.

La CFDT impliquée depuis longtemps

Certes, la CFDT n’a pas attendu 2022 pour s’impliquer dans ce domaine. Ce réseau entretient des échanges réguliers avec les réseaux de mandatés qui portent déjà la voix de la CFDT dans de nombreuses instances environnementales (Comité national de la biodiversité, Conseil national de la transition écologique…) et au sein des comités stratégiques de filière (CSF). Rien que ces derniers mois, leurs membres ont participé à nombre de consultations sur les zones à faibles émissions, la modernisation des systèmes de chauffage, les feuilles de route de décarbonation des filières les plus émettrices, la programmation pluriannuelle de l’énergie, la planification écologique… Un agenda bien chargé.

De face, au fond, et de gauche à droite : Aurélie Seigne et Anne-Juliette Lecourt (secrétaires confédérales), Fabien Guimbretière (secrétaire national), Élodie Robert (secrétaire fédérale de la Fédération Banques et Assurances) et Laure Pelletier (secrétaire confédérale).
De face, au fond, et de gauche à droite : Aurélie Seigne et Anne-Juliette Lecourt (secrétaires confédérales), Fabien Guimbretière (secrétaire national), Élodie Robert (secrétaire fédérale de la Fédération Banques et Assurances) et Laure Pelletier (secrétaire confédérale).© Syndheb

Le réseau TEJ, lui, travaille selon deux axes : le partage de connaissances sur le sujet et l’accompagnement des sections syndicales. « Les responsables transition juste doivent relayer le message suivant : les enjeux environnementaux ne constituent pas un sujet de plus mais percutent le cœur de notre métier », précise Fabien Guimbretière, secrétaire national en charge du dossier de la transition écologique. « Que de chemin parcouru depuis un an ! », a-t-il aussitôt ajouté, admiratif. Fresques du climat, formations, ateliers tous azimuts : cette année a été celle de la montée en compétences des militants.

Partout, l’acculturation progresse

1. Responsabilité sociale/sociétale des entreprises.

« Incontestablement, l’appropriation a progressé dans notre organisation », confirme Marc Aubry, de la FGMM, dont l’ensemble de l’exécutif avait déjà suivi une formation RSE1 à l’ISST (Institut des sciences sociales du travail) en 2022. « La transition écologique juste est devenue un point systématique de notre actualité revendicative. » Elle l’est aussi maintenant à la FEP, rapporte Jessica Drula, secrétaire nationale de la Fédération Formation et Enseignement privés : « Ce thème a donné lieu à beaucoup d’expressions fécondes quand il a été introduit en bureau fédéral. Nous avons, par exemple, décidé de pousser les feux sur la rénovation des bâtiments scolaires. »

2. Union régionale interprofessionnelle.

« Il n’y a pas une réunion au cours de laquelle nos militants n’en parlent pas », abonde Éric Malo, de l’URI2 Pays de la Loire, qui, de son côté, lance un groupe régional sur l’environnement. En Provence-Alpes-Côte d’Azur aussi, les événements autour de la transition écologique se multiplient. « Sur les 56 sites industriels les plus pollueurs en France, six se trouvent dans notre région », relève Isabelle Godefroy. « Nous sommes mobilisés et nous essayons de rencontrer chaque fois que possible des experts pour comprendre ce qu’il faut faire et mieux orienter notre revendicatif. » À l’occasion de la Journée mondiale du climat (le 8 décembre), la CFDT-Paca a sollicité trois associations du Pacte du pouvoir de vivre pour une journée de débats. Fédérer le groupe jeunes autour de la transition juste, « un sujet qui les touche particulièrement », fait également partie de ses projets.

Au Sgen-CFDT, une grande Fresque du climat a été organisée pour tous les militants en juillet dernier. Elle a été suivie de nombreuses préconisations, en perspective de leur prochain congrès à Lorient, du 13 au 17 mai 2024. L’exécutif de la fédération a par ailleurs validé le projet de réaliser le bilan carbone de ses activités. « Dans l’immeuble parisien de l’avenue Bolivar, tout va être interrogé, alimentation, chauffage, etc. », développe Tristan Brams. Un travail que le Sgen souhaite effectuer en coopération avec d’autres fédérations présentes dans le bâtiment. « Notre objectif est d’arriver à une méthodologie transférable aux strcutures Sgen en région. »

Des commissions environnement au sein des CSE

Beaucoup d’autres actions sont mises en place, entre autres par la Fédération Banques et Assurances (FBA), qui a créé son propre réseau transition écologique juste (à l’instar des Sentinelles vertes de la F3C). Il compte, à ce jour, 25 référents en entreprises. « Pour le faire vivre, nous envoyons une revue de presse mensuelle sur la transition écologique, une newsletter trimestrielle ; nous organisons chaque mois une heure de réunion pendant la pause déjeuner dans leurs entreprises pour discuter de ce qu’ils peuvent faire, explique Élodie Robert. Ça marche ! Nous sommes de plus en plus sollicités, et le réseau s’étoffe petit à petit. Des commissions environnement se mettent en place, à la Maif, chez Groupama, où les militants ont même obtenu trois heures de délégation supplémentaires avec la création d’une commission environnement au sein du CSE. » La FBA prépare d’ailleurs une journée de sensibilisation destinée aux élus de tous les établissements de BNP Paribas. « Nous devons tout faire pour que les militants soient à l’aise en CSE afin de porter le sujet de la transition écologique juste », résume Élodie.

Un enjeu du dialogue social

Car s’il existe incontestablement une meilleure prise en compte des prérogatives du CSE sur les questions environnementales – dans le sillage de l’ANI du 11 avril 2023 relatif à la transition juste et au dialogue social –, les militants peinent encore à en faire un sujet de dialogue social. D’abord, disent-ils, « ce n’est pas la première préoccupation des employeurs ». Ensuite, « le changement a ses limites ». Beaucoup se retrouvent tiraillés « entre exemplarité et prudence sur la casse sociale », souligne la FGMM.

Enfin, si le sujet diffuse dans les consciences, les moyens, eux, ne suivent pas. « Nous n’avons pas mis en place de réseau spécifique pour ne pas surcharger les militants, dont la priorité numéro un reste le pouvoir d’achat », explique Olivier Donnay, de la FNCB. La Fédération nationale Construction et Bois (qui a organisé son conseil national fédéral de 2022 sur le thème de la transformation des métiers) a donc choisi de mener des actions concrètes sur le terrain. Sa campagne de prévention 2023 contre les fortes chaleurs et la canicule, lancée en mai dernier auprès des délégués syndicaux, a été l’occasion de mettre en perspective la question du réchauffement climatique et les mesures d’atténuation à prendre en vue de préserver la santé des travailleurs. Dans les entreprises, elle milite pour la négociation de plans de mobilité durable et d’accords d’intéressement qui intègrent des critères de sobriété énergétique, deux autres leviers possibles à la portée des sections syndicales.

Accompagner les équipes syndicales

3. Disponible sur le site cfdt.fr, onglet « Outils » puis « Transition éco ».

Pour booster le dialogue social, environnemental et territorial, les membres du réseau TEJ peuvent s’appuyer depuis juin sur la boîte à outils transition juste3 mise en place par la Confédération avec d’autres syndicats européens. Comme son nom l’indique, elle contient toutes les informations dont les représentants syndicaux ont besoin pour jouer un rôle proactif dans la gestion d’une transition juste au sein de leur entreprise. « Cet outil est fait pour tous ceux qui ne savent pas par où commencer, explique Laure Pelletier, secrétaire confédérale. Il contient une méthode et des conseils permettant de se mettre au travail. » Trois types de questionnaires sont proposés afin de dresser un état des lieux à 360 degrés : le premier aide à réfléchir sur la situation de son entreprise, le deuxième questionne la relation de l’équipe syndicale avec les salariés de l’entreprise, le troisième interroge les relations de l’entreprise avec le territoire. Une fois effectué ce tour d’horizon, les représentants du personnel pourront se focaliser sur ce qu’il faut prioriser (énergie, déchets, eau, politique de mobilité, égalité professionnelle hommes-femmes…).

“C’est notre projet de société”

À propos de l'auteur

Claire Nillus
Journaliste

Outre la formation qui leur a été proposée à l’ISST début 2023, les responsables transition écologique juste ont été invités tout au long de l’année à participer à des ateliers mensuels. Dans les mois qui viennent, une nouvelle série d’ateliers leur sera proposée à partir des priorités qu’ils ont définies ensemble. Tous les thèmes abordés nourrissent le cahier revendicatif de la CFDT, son Manifeste pour la transition juste, fruit des travaux menés depuis un an par la Confédération, le réseau des responsables transition écologique juste des fédérations et unions régionales, le réseau des mandatés dans les comités stratégiques de filières industrielles et les instances environnementales. « C’est notre projet de société. C’est notre boussole pour y parvenir. Nous savons la difficulté à établir un rapport de force dans les entreprises, dans les branches et les territoires. Toutefois, l’importance du sujet n’est plus à démontrer, notre valeur ajoutée non plus ! », conclut Fabien Guimbretière.