[Dossier 2/2 Les femmes à la CFDT] - Yvonne Delemotte : “La CFDT a été la meilleure formation qui soit” abonné

Yvonne Delemotte est née en 1946 à Roubaix (Nord), elle a commencé sa carrière à La  Redoute. En 1967, elle adhère à la CFDT, connaît toutes les responsabilités syndicales. En 1973, elle devient secrétaire générale du syndicat HaCuiTex Roubaix-Tourcoing-Vallée de la Lys, l’un des trois plus gros syndicats de la Fédération HaCuiTex (Habillement, Cuir et Textile), avec 2 300 adhérents. 

Par Claire NillusPublié le 25/11/2019 à 09h14

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J’ai commencé à travailler à l’âge de 14 ans dans le textile, je n’ai pas eu le choix. Puis j’ai eu un enfant à 16 ans. Dans une usine de tissage où j’étais ourdisseuse, il y avait trois organisations syndicales (CFDT, CGT, FO), une nouveauté par rapport à l’entreprise d’où je venais. Je lisais les comptes rendus des délégués du personnel sur les panneaux d’affichage syndical et c’est comme cela que j’ai découvert que la CFDT était non seulement la seule à intervenir, mais qu’elle le faisait de manière intelligente. Trois mois après mon arrivée, j’ai adhéré. Ma démarche a surpris le responsable syndical, qui ne voyait jamais une personne demander spontanément l’adhésion. Je me suis fait remarquer dès ce moment-là… J’avais 21 ans.

Ensuite, il y a eu Mai 68 et les assemblées générales à 5 heures du matin. Et je me suis à nouveau distinguée ! Je prenais la parole tellement souvent… je ne pouvais plus faire machine arrière et aux élections professionnelles de novembre 1968, on m’a demandé d’être candidate. Ce fut mon premier mandat. Je n’ai pas suivi d’études secondaires mais la CFDT m’a permis de bénéficier de la meilleure formation qui soit. Et lorsque l’on m’a confié des responsabilités, je n’ai jamais refusé. Si l’on venait me chercher, il fallait que j’y sois ! J’ai donc été de toutes les luttes ouvrières des années 70. Connaître cette période de rapprochement entre des intellectuels et des ouvriers, c’était complètement inédit.

J’étais pleine d’énergie. Être mère à 16 ans m’a fait mûrir d’un coup. Une fois la décision assumée d’élever seule mon enfant, je n’ai plus flanché. Cette confiance, je l’avais acquise à l’école déjà, même si j’ai dû abandonner ma scolarité très jeune et aussi parce que j’avais un soutien familial fort. Il existait également une énorme solidarité entre militants : je pouvais demander des coups de main, pour faire garder mon fils… et beaucoup de couples m’ont aidée, moi qui étais fille-mère ! Ils me prêtaient une tente, une voiture ou même leur maison pour que je parte en vacances avec mon fils !

En revanche, si j’étais généralement très remontée lors des rencontres avec la direction ou dans les débats dans les instances du syndicat, je ne défendais pas les mouvements féministes car, pour moi, il n’était pas question de « se lamenter » avec d’autres femmes.

En tant que femme et ouvrière, je ne voulais pas non plus servir de caution à quelques-uns soucieux d’afficher une parité pour la galerie : « Voyez comme nous sommes progressistes, nous avons Yvonne ! » Certaines revendications étaient purement féminines – comme la suppression du droit de cuissage ou l’autorisation du port du pantalon –, mais j’ai toujours pensé qu’elles devaient être portées par tous, hommes et femmes, sans distinction de genre. Cette séparation m’a toujours agacée ! C’est pourquoi je n’ai jamais voulu faire partie d’un réseau de femmes. De même, je me suis opposée à l’idée de favoriser la place des femmes dans l’organisation par des quotas, même si je reconnais maintenant que c’était totalement nécessaire pour faire bouger les lignes.

Aujourd’hui, je m’interroge : une autre aura-t-elle ma chance ? J’ai eu affaire à des hommes respectueux tout au long de mon parcours militant. M’imposer au sein de l’organisation n’a pas été compliqué. Ce sont les hommes qui ont fait ma place !    

 

[Témoignages]

“JE VOULAIS ÊTRE UTILE, POUR TOUS LES SALARIÉS, FEMMES ET HOMMES” 

Emmanuelle Thomas emmanuelle marchadourEmmanuelle Thomas
42 ans – Déléguée syndicale à la centrale nucléaire de Chinon.

J’ai toujours voulu être syndiquée. Mais en débutant chez Pfizer, à tout juste 20 ans, on m’a fait comprendre que ce n’était pas une «bonne…

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